Où l’on découvre le riche patrimoine préservé dans cette distillerie en activité.
Un patrimoine industriel, témoignage vivant d’une distillerie agricole dont l’isolement a fait perdurer jusqu’à nos jours le fonctionnement autarcique. Les bornes patrimoniales commentées par Nazaire Canatous, distillateur et maître de chai :
« Le pont, qui permet de traverser la rivière pour arriver à la distillerie, doit dater du 19ème siècle. En 1993, avec la tempête Cindy, l’eau est arrivée juste devant la distillerie, mais malgré son âge le pont a tenu bon. »
«Elles produisaient la vapeur avant la nouvelle chaudière automatique installée en 1993. J’ai beaucoup de souvenirs de ces chaudières, ce n’était pas facile à faire monter en pression. Avec ce type de chaudière, il suffisait de ne pas envoyer de l’eau à temps pour créer une explosion, il n’y en a pas eu ici mais ailleurs sur l’île, c’était un travail risqué. Tout ça a évolué heureusement, on a une chaudière automatique. »
« Ici il y avait une cloche qui sonnait l’heure de l’embauche, une cloche comme à l’école. Les gens se rassemblaient là pour prendre les ordres pour aller faire le travail. Le manguier doit avoir plus d’un siècle, d’après les photos des années 20 où il était déjà comme il est aujourd’hui. »
C’est ici que l’on stockait le rhum blanc dans trois foudres en bois, il n’y avait pas encore de cuves en inox. C’est pourquoi il n’y avait que du rhum ambré, du rhum « paille » (cette appellation a ensuite été déposée par distillerie martiniquaise.)
« L’eau qui arrivait à la distillerie, alimentait la turbine, et le trop plein se déversait comme aujourd’hui. J’ai entendu dire par les anciens qu’il y avait autrefois une roue à aube à cet endroit, on peut encore en voir la maçonnerie. »
« Cette machine à vapeur de 45 CV est arrivée ici en 1945 et entraînait alors les deux moulins. Elle a fonctionné jusqu’à fin 2012. En 2013 les anciens moulins ont été remplacés par trois moulins électriques. Mais on va continuer à la faire tourner tout doucement, avec la vapeur produite par la chaudière, pour que les visiteurs puissent l’admirer. Si on la met en marche, elle va démarrer tout de suite, mon ouvrier et moi on la connaît comme nos doigts.
Les anciens passaient dans la distillerie juste pour l’admirer, c’est toute l’âme de la distillerie de voir cette machine tourner. Pour les cheminots en visite qui avaient travaillé avec ça dans les chemins de fer, c’était un plaisir de voir une machine à vapeur tourner, ils étaient contents ! »
« La petite cheminée est celle du deuxième four qui nous servait autrefois à brûler le trop plein de bagasse. Il y a deux cheminées: la grande,celle de la chaudière qu’on utilise encore et la petite qu’on n’utilise plus. Mais on la garde quand même. Dans les années 50-70, on voyait les flammes sortir en haut de la cheminée. On a arrêté de faire fonctionner ce four en 1993 au moment où on a rajouté le troisième moulin. Il y avait trop de bagasse à brûler. On a décidé de l’épandre dans les champs pour les fertiliser. »
« L’oratoire date sans doute de la création de la distillerie. Depuis mon arrivée à la distillerie, depuis mon enfance j’ai toujours connu cette Vierge dans l’oratoire. En haut de la grande cheminée, il y a une Vierge aussi. Les anciens étaient des gens très croyants et j’ai l’impression que c’est ce qui nous sauve aussi, c’est ce qui nous sauve la vie, ces Vierges-là, la Vierge Marie. »
« Cette balance mécanique, très ancienne, part de 1000 grammes à 20 tonnes. J’ai eu le temps de travailler avec. On pesait la canne, parce que la canne à la distillerie on l’a toujours pesée pour voir le rendement, le tonnage qu’on passe dans la journée. Je me rappelle que les gens du quartier venaient ici pour faire peser leurs vaches avant de les vendre au boucher ; c’est moi qui les pesais, je me rappelle qu’on faisait payer 5 francs pour la pesée ! »
« Les Dame-jeanne nous servaient à stocker notre rhum vieux. Quand le rhum avait atteint 10 ans, nous le mettions dans ces Dame-jeanne de 50 à 70 litres, on avait très peu de fûts, seulement une trentaine à l’époque. Ce rhum restait dans les Dame-jeanne qui sont très très fragiles. Au moment de le mettre en bouteilles, c’était très facile de les casser : ça m’est arrivé une fois d’en casser une, au début des années 70, j’ai été mis à pied deux jours, sans travail, c’était la sanction.